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mathieu bock-côté - Page 10

  • Qu'est-ce que le conservatisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté cueilli sur Figarovox et consacré à la question du conservatisme. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

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    Finkielkraut, Le Goff, Delsol : qu'est ce que le conservatisme?

    À son émission Répliques, Alain Finkielkraut se demandait récemment comment peut-on être conservateur? Question aussi étrange que fondamentale, posée au sociologue Jean-Pierre Le Goff et au philosophe britannique Roger Scruton. Les deux convenaient de la difficulté de penser le conservatisme dans une époque qui veut nous convaincre des vertus de la marche forcée vers la modernité, même s'ils convenaient de sa nécessité. Dans L'ingratitude, un très beau livre de 1999, Finkielkraut observait déjà que le conservatisme, dans notre monde, est davantage une indignation qu'une accusation. Il vaut la peine de citer longuement un beau passage de ce livre qui saisit très bien l'esprit de l'époque.

     

    «Mais le conservatisme n'est plus une opinion ou une disposition, c'est une pathologie. […] «Réforme» est le maître mot du langage politique actuel, et «conservateur» le gros mot que la gauche et la droite s'envoient mutuellement à la figure. Concept polémique, le conservatisme n'est plus jamais endossé à la première personne: le conservateur, c'est l'autre, celui qui a peur, peur pour ses privilèges ou pour ses avantages acquis, peur de la liberté, du grand large, de l'inconnu, de la mondialisation, des émigrés, de la flexibilité, des changements nécessaires. […] Tous les protagonistes du débat idéologique, aujourd'hui, sont des vivants qui se traitent mutuellement de morts, et la nostalgie, d'où qu'elle vienne, est systématiquement qualifiée de frileuse».

     

    Cette question se pose évidemment de manière particulière en France, qui n'a pas, à proprement parler, de tradition conservatrice, ou du moins, qui ne l'assume pas comme telle et surtout, où à peu près personne, ne revendique une telle étiquette. Mais il se pourrait bien que la situation change peu à peu, et qu'on assiste à l'émergence d'un mouvement conservateur conscient de lui-même. À tout le moins, ce terme apparaît sous la plume de bien des auteurs, comme Chantal Delsol, Vincent Coussedière, Élisabeth Lévy, ou Bérénice Levet, qui utilisent ce terme pour nommer une sensibilité renaissante devant les excès d'une modernité au visage de plus en plus déshumanisant, même si le système médiatique fustige aisément cette inquiétude.

     

    Le conservatisme français a désormais une base populaire qui se mobilise autour des enjeux sociétaux. Ce n'est pas surprenant, ils représentent aujourd'hui une nouvelle ligne de fracture qui se constitue autour de ce qu'on appelle la question anthropologique. Il ne faudrait toutefois pas faire l'erreur de définir le conservatisme comme une droite morale. Non seulement parce qu'il ne saurait s'y réduire, mais surtout, parce que l'essentiel n'est pas là. D'un pays à l'autre, le conservatisme ne se concrétise pas par les mêmes questions, mais il est toujours traversé par une même intuition: la modernité laissée à elle-même décharne l'homme, en le condamnant à l'individualisme absolu, comme si son émancipation devait se laisser avaler par un fantasme de l'autoengendrement.

     

     

    Il s'agit surtout de renouer avec une certaine idée de l'homme et de la civilisation à laquelle il appartient. Le conservatisme affirme ainsi que l'homme a besoin d'ancrages. C'est le rapport à l'histoire et à l'héritage qui se joue. Doit-on considérer l'héritage comme un formatage compressant l'individu et ses possibilités existentielles, l'empêchant d'exprimer sa véritable authenticité en l'assignant à un rôle social aliénant? Ou doit-on y voir un passage fondamental sans lequel l'individu est condamné à la sécheresse culturelle, à une vie vide de sens, comme s'il se croyait premier venu sur terre, et aussi, dernier à y passer, ce qui le dispenserait d'avoir à préserver ce qu'on lui a transmis, pour le transmettre à son tour.

     

    Le vingtième siècle a connu la tentation de l'homme nouveau, et il se pourrait bien qu'elle soit de retour. Il s'agissait chaque fois de l'arracher à l'histoire et de le conditionner de manière absolument nouvelle. L'homme nouveau n'est plus déterminé par le passé mais par l'avenir, par l'utopie sociale qu'entendent implanter les ingénieurs sociaux, qui disent avoir une connaissance scientifique du bien. On ne saurait s'opposer à eux sans être refoulés dans les ténèbres du passé. Le conservatisme, de ce point de vue, invite le politique à ne pas prétendre changer la nature humaine, et surtout, à ne pas se laisser avaler par l'utopie de la société parfaite, qui accouche toujours d'une société tyrannique.

     

     

    Il y a au cœur du progressisme une prétention à la maîtrise absolue de la vie, et plus particulièrement de la vie sociale, comme si on pouvait abolir son mystère, comme si une société absolument transparente était possible et désirable. On assiste alors à une technicisation à outrance de la vie politique. On entend resocialiser complètement l'homme, le soumettre à un conditionnement idéologique tout azimut. Un homme nouveau devrait en sortir. Mais en transformant l'homme en pure créature de la société, on écrase philosophiquement les conditions mêmes de sa liberté, de son épanouissement. L'homme n'a pas à se faire démiurge. Il ne doit pas créer le monde, encore moins créer un homme nouveau, mais conserver le monde, l'aménager et l'améliorer.

     

    On voit alors qu'une certaine gauche, incarnée par des figures comme Christiane Taubira ou Najat Vallaud-Belkacem, fait preuve d'un véritable fanatisme dans la déconstruction. On comprend pourquoi l'homme de gauche, raisonnable, désillusionné par son propre camp, devient souvent conservateur par la question de l'école. N'est-ce pas en bonne partie à travers la question de l'école qu'Alain Finkielkraut est venu au conservatisme, non pas à la manière d'une doctrine, mais en reprenant à son compte ses inquiétudes fondamentales? C'est à travers elle qu'il découvre jusqu'où va la tentation de la table-rase qui rattrape inévitablement le progressisme, désireux d'en finir avec un monde trop vieux. Le petit individu supposé se construire intégralement par lui-même, comme s'il ne devait rien aux œuvres et à la mémoire, a toutes les chances d'être un futur barbare.

     

    Pourrait-on trouver une définition convenable pour le conservatisme, finalement, qui ne l'enferme pas dans le seul contexte politique français, mais qui ne lui soit pas étrangère? Le conservatisme représente une modernité inquiète. Il n'entend pas la congédier, car il sait la chose non seulement impossible, mais indésirable. Il refuse toutefois de voir l'homme s'y donner corps et âme, car il y aura toujours une part de l'homme qui ne trouvera pas satisfaction en elle. Le souci qu'a un philosophe comme Pierre Manent de croiser la question du corps politique à celle de l'âme doit beaucoup à la philosophie ancienne. La philosophie politique moderne, si dépendante du mythe du progrès, ne repose-t-elle pas, en dernière instance, sur une conception faussée de la nature humaine, en prétendant définir l'homme à l'extérieur de toute filiation?

     

     

    Au fil des ans, on a souvent reproché à la droite française de s'en tenir à un discours strictement gestionnaire. Au fil des décennies, elle se serait ralliée à la vision du monde de la gauche, tout en cherchant à la convertir à une forme élémentaire de réalisme économique. Cette vision était un peu injuste. La droite a cherché, à bien des manières, à ressaisir sa propre philosophie, mais ces entreprises avortèrent chaque fois, ou alors, furent déportées dans les marges de la vie politique, et condamnées à l'insignifiance, ou récupérées par la droite dite populiste. Comme si la droite, dès qu'elle ne se voyait plus comme une annexe comptable de la gauche, était condamnée à se faire «extrême-droitiser». Peut-elle se réapproprier son propre imaginaire, ses propres mythes?

     

    Mais le fait que conservatisme actuel ait à la fois une impulsion populaire et une grande vitalité intellectuelle laisse croire toutefois qu'il ne se dissipera pas aisément. Il semble répondre à un besoin vital, celui de réinscrire l'homme dans la durée historique et dans une relative stabilité anthropologique. De l'éloge des frontières à celle des nations, de la redécouverte de l'autorité à celle de la prudence devant la démiurgie biotechnologique, c'est une même philosophie qui se déploie, en rupture avec l'éloge de l'illimité et de la déconstruction propre à la pensée 68. Reste à voir de quelle manière il sera maintenant possible de traduire politiquement de telles intuitions.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 28 avril 2015)

     

     

     

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  • Comment l'antiracisme empêche le débat sur le multiculturalisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figarovox et consacré à l'antiracisme comme instrument idéologique destiné à faire taire les détracteurs du multiculturalisme...

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    Comment l'antiracisme empêche le débat sur le multiculturalisme

    Les attentats du 7 janvier n'ont finalement pas provoqué de grand réveil politique en France. La prise de conscience patriotique s'est vite dissipée, la haine de soi est revenue. On avait déjà remarqué que la lutte contre l'islamisme s'était transformée en lutte contre l'islamisme et l'islamophobie, comme s'il fallait équilibrer les maux à tout prix. L'islamisme a vite été laissé de côté: on a parlé du terrorisme en général, en évitant de le caractériser, pour éviter de stigmatiser. On avait aussi noté que la France s'était finalement reconnue responsable de la haine à son endroit d'une partie de la jeunesse immigrée en se déclarant coupable d'apartheid.

    Le dispositif pénitentiel qui pousse à croire bien méritée la haine anti-occidentale fonctionne comme jamais. C'est à cette lumière qu'il faut comprendre l'offensive annoncée du gouvernement de Manuel Valls contre le «racisme.»

    L'époque se veut en lutte contre le racisme. On comprend naturellement pourquoi et cette lutte a sa part de légitimité. Mais on sait aussi qu'elle a été depuis un bon moment détournée. N'est-elle pas utilisée avec une légèreté déconcertante pour en finir avec un contradicteur gênant, pour l'expulser des médias, ou encore, pour censurer certaines analyses remettant en question la vision officielle et bucolique du vivre-ensemble multiculturel? L'accusation de racisme servira à marquer publiquement et à disqualifier définitivement un homme politique ou un intellectuel commentant avec trop de franchise les dégâts du multiculturalisme. Elle permettra aussi de reléguer dans les marges de l'espace public les défenseurs de l'identité nationale, toujours suspectés du pire.

    On pourrait parler d'une extension du domaine du racisme. Et quiconque jette un œil dans la sociologie antiraciste d'inspiration américaine en verra l'ampleur. Elle repose sur une thèse forte: la structure même des sociétés occidentales, serait raciste, en ce sens qu'elle institutionnaliserait, en les dissimulant sous le masque de l'universalisme, les avantages d'une majorité historique «blanche». La sociologie antiraciste parle alors de racisme universaliste. En France, on dénoncera par exemple les «mensonges» de l'égalité républicaine qui favoriserait de manière systémique les «Français de souche». Inversement, ceux qui distinguent entre les cultures et se demandent lesquelles sont compatibles sur un même territoire, et lesquelles ne le sont peut-être pas, tant elles sont différentes, seront accusés de racisme différentialiste.

    La sociologie antiraciste en arrive ainsi à conceptualiser une société raciste sans «racistes». Il suffirait toutefois de participer à sa reproduction pour se rendre coupable de racisme sans le savoir et sans même le vouloir. Celui qui refuse, par exemple, la discrimination positive, sera accusé de s'opposer à un mécanisme visant à corriger les inégalités structurelles causées par le racisme occidental. Celui qui, quant à lui, plaidera pour une réduction significative de l'immigration subira la même accusation: n'entend-il pas maintenir l'hégémonie d'un groupe ethnique majoritaire dans nos sociétés, alors qu'il faudrait plutôt le dépouiller de ses privilèges institutionnels et culturels? À terme, c'est la simple remise en question de la sociologie antiraciste qui sera assimilée au racisme.

    Des pans de plus en plus grands de la réalité tombent sous l'accusation de racisme simplement à travers un jeu de définitions de plus en plus agressif.

    On aura compris que le racisme n'est aussi qu'à sens unique - il représente un système de domination qui pousse à l'exclusion et à la discrimination contre les minorités issues de l'immigration. Mais les minorités ne pourraient jamais s'en rendre coupable, et on refusera par exemple de prendre au sérieux le rap des banlieues où s'exprime pourtant la véritable haine raciale en France. La situation est presque loufoque. D'un côté, on étend sans cesse la définition du racisme pour continuer à combattre les sociétés occidentales en son nom, alors qu'il ne trouve plus d'échos que dans les marges les plus éloignées de la vie sociale, au point même d'être souvent dénoncé dans les partis qu'on dit «d'extrême-droite». De l'autre, on refusera de voir le racisme lorsqu'il s'exprime crument et brutalement chez certaines franges de la population immigrée. Au pire, il ne serait rien d'autre chez eux qu'un réflexe de défense.

    On comprend dès lors la portée de la législation qui s'en vient.

    La dissidence devant le multiculturalisme était déjà psychiatrisée à travers la multiplication des phobies dépistées chez ses contradicteurs. Elle sera désormais potentiellement criminalisée. On devine ainsi ce que les associations antiracistes les plus zélés sauront faire de ces nouvelles dispositions juridiques. Ne faudrait-il pas plutôt remettre en question la sociologie antiraciste et plus largement, cette fâcheuse manie qui consiste à accuser les sociétés occidentales d'être historiquement coupables de crimes si abjects à l'endroit de la diversité qu'elles ne pourront les expier qu'en se convertissant au multiculturalisme. Chose certaine, la restriction de la liberté d'expression, ici, sert bien moins la lutte contre le racisme que la diabolisation de ceux qui ne croient pas les sociétés occidentales coupables d'exister.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 20 avril 2015)

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  • Qu'est-ce qu'être français ? La réponse d'un Québécois...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figarovox et consacré à la question de l'identité française. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    Qu'est-ce qu'être Français? La réponse d'un Québécois

    Le Français de souche est victime d'un vilain paradoxe: officiellement, il n'existe pas, fondamentalement parce qu'il n'existerait plus. La nation française serait tellement métissée aujourd'hui qu'on ne saurait plus discerner quelque population de souche que ce soit. Il s'agirait d'un fantasme généalogique d'extrême-droite, référant à un âge d'or révolu de l'homogénéité ethnique qui aurait en fait été un enfer. En fait, il se pourrait même qu'il n'ait jamais existé: le métissage serait la véritable loi de l'histoire et d'une époque à l'autre, il aurait imposé ses codes à la France, qui n'existerait qu'au pluriel. Le Français de souche n'aurait même jamais existé, car il n'y aurait jamais eu d'époque d'avant l'immigration de masse.

    Et pourtant, de temps en temps, sans avertir, il revient à l'avant-scène, à la manière d'un affreux personnage qui sent très mauvais et qu'on évoque publiquement pour en dire du mal. C'est ce qui lui arrivé il y a quelques jours lorsque François Hollande y a fait référence pour préciser que les barbares qui avaient profané les sépultures dans un cimetière juif n'étaient pas seulement des «jeunes» parmi d'autres, pour reprendre la formule médiatiquement convenu, mais bien des Français de souche -autrement dit, ils n'étaient ni arabes, ni musulmans, et dans ce cas, il était tout à fait pertinent de rappeler leur origine ethnique sans que personne ne hurle à l'amalgame. On peut parler du Français de souche, mais seulement pour dire qu'il est un salaud.

    La chose n'est pas nouvelle et dépasse les seules préoccupations sémantiques. Il y a plus de dix ans, on s'en souvient, s'inquiétant de la persistance de l'identité française dans un pays qu'il aurait voulu soumettre au génie de la mondialisation et de la construction européenne, Philippe Sollers s'était permis une tirade contre la France moisie. Il pensait à la France béret-baguette, gouailleuse, enracinée, celle du terroir, qui préfère la souveraineté nationale au fédéralisme européen et qui s'imagine encore qu'il faut posséder quelques rudiments de culture française pour se dire français. Plus récemment, dans le débat sur l'identité nationale qu'il avait enclenché, Nicolas Sarkozy avait dit vouloir du gros rouge qui tache, manière comme une autre de tourner en dérision ce qu'il croyait être les préjugés de la France de souche devant les étrangers.

    D'une fois à l'autre, on le verra, c'est la même logique qui se met à l'œuvre: ce qui est spécifiquement français n'existe pas, et si cela existe, c'est très mal et il faut s'en distancier, s'en séparer, s'en débarrasser pour que naisse une nouvelle France post-identitaire, post-historique et post-nationale. Au mieux, ce sera pittoresque, et alors, on transformera cela en décor pour les touristes. Mais il n'est plus possible de se représenter autrement que négativement toute forme de substrat historique spécifique à la France. La poussée à l'indifférenciation qui traverse la mondialisation fait en sorte que ce qui est spécifique à un peuple et ne se laisse pas aisément traduire dans la culture globale des droits de l'homme est connoté négativement de manière automatique.

    C'est le paradoxe de l'identité française, en fait, et un semblable raisonnement pourrait s'appliquer aux autres nations occidentales, qui sont aussi soumises à la censure de fer propre à l'idéologie multiculturaliste. On dira que la France qui mérite d'être célébrée se distingue par les valeurs de la République, mais on oublie que ces valeurs, du moins, telles qu'elles se formulent aujourd'hui, ne se distinguent pas fondamentalement des valeurs revendiquées par d'autres nations, comme l'Allemagne, les États-Unis, le Canada, le Québec ou l'Italie. Autrement dit, la France cherche à se définir par ce qu'elle n'a pas de singulier, et refoule dans des stéréotypes négatifs ce qu'elle pourrait avoir en propre.

    Qu'est-ce qui fait que la France n'est pas le Danemark? On ne trouvera pas vraiment la réponse à cette question dans le seul universalisme républicain. D'une manière ou de l'autre, et en parlant ou non du Français de souche, il faudra bien rappeler les droits de l'histoire, ou si on préfère, des cultures historiques, celles qui font que les peuples ne sont pas interchangeables, qu'ils ont chacun une personnalité singulière, qui s'exprime dans l'appropriation des paysages, dans la cuisine (il est amusant de noter que dans Soumission, la jeune Myriam, qui l'a quitté pour Israël, exprime sa nostalgie de la France en parlant des fromages! Quant à lui, Éric Zemmour, dans la tournée de promotion du Suicide français, a donné le même exemple pour parler concrètement de l'identité française), dans la chanson, dans les contes et légendes, autrement dit, dans les mœurs, dans le mode de vie. Bien évidemment, le culte de la république à la française caractérise aussi le particularisme français.

    Devenir Français, cela ne consiste pas, alors, à se contenter d'une carte d'identité comme si un pays n'était qu'une association administrative s'ouvrant à n'importe qui s'y installe, mais cela ne saurait exiger non plus le partage d'une généalogie pluri centenaire. Mais cela consiste à s'approprier une culture, à s'en approprier la mémoire, aussi, pour la faire sienne. Cela consiste à envoyer les signaux, nombreux, qui témoignent de mille manières d'une appartenance héritée ou revendiquée à un peuple, à une identité qui a noué ses fils intimes au fil de l'histoire, et qu'il serait bien triste de voir aujourd'hui se dissoudre. Nous ne pourrons pas toujours vivre dans le déni des cultures.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 3 mars 2015)

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